Fruits Basket

De Natsuki Takaya, aux éditions Delcourt/Tonkam

Tohru, mignonne et courageuse lycéenne, vivait sous une tente dans les bois. Recueillie pour ses talents en matière de travaux ménagers par la famille de Yuki Soma, un de ses camarades de classe, Tohru vit maintenant entourée de garçons dans une grande maison. Mais ce qu’elle ignore, c’est que la famille Soma est victime d’une malédiction secrète. Certains de ses membres se transforment, dans des circonstances particulières, en un des douze animaux du zodiaque chinois ! Avec d’aussi étranges personnages, la nouvelle vie de Tohru va lui réserver de nombreuses surprises.

Résumé officiel

Fruits Basket est un manga de Natsuki Takaya, pré-publié au Japon de 1998 à 2006 et publié en France aux éditions Delcourt entre 2002 et 2007. Une édition « Perfect » a été publiée à partir de 2018 par Delcourt/Tonkam, en même temps que le spin-off Fruits Basket Another. Fruits Basket est aujourd’hui considéré comme l’un des classiques du shojo, son succès dépassant les frontières du Japon. Ce fut avec cette œuvre que j’entrai dans le monde du manga, lors de mes années de collège, et je la compte comme l’un de mes mangas favoris, qui aura marqué mon adolescence et que j’ai toujours plaisir à relire régulièrement. Si le bizarre résumé de ce manga nous laisse imaginer une simple comédie à base de transformations en animaux, nous sommes peu à peu détrompés au fil des tomes. Fruits Basket se dévoile en effet comme une histoire des plus touchantes, parfois particulièrement sombre, où quantité de personnages hauts en couleur viennent à la fois nous faire rire, nous attendrir et nous briser le cœur, avant de le réchauffer.

Car le mot-clé du résumé est bien « malédiction », laissant paraître le côté sombre de la condition des Soma. Les douze personnes maudites par l’esprit des animaux du zodiaque chinois se transforment en leur animal respectif lorsqu’ils entrent en contact très proche avec une personne de sexe opposé, poussant les maudits à garder leurs distances avec autrui, pour ne pas risquer de dévoiler leur secret, si bien qu’il leur est très difficile de former des relations en dehors du clan Soma. Le thème des relations humaines, pas seulement les relations romantiques, sera donc au centre du récit. L’intrigue du manga sera en conséquence davantage basée sur les personnages en eux-mêmes et leur évolution plutôt que sur une intrigue classique où les personnages ont un but précis et concret à accomplir pour gagner. La question de la malédiction est en effet davantage un outil narratif que le cœur même du récit, ce qui permet à la mangaka d’explorer diverses situations et thématiques tout en ajoutant à son œuvre une pointe d’originalité.

Fruits Basket traite d’une variété de thèmes, souvent liés à l’adolescence et au passage à l’âge adulte. Comme on l’a déjà vu, les relations humaines, ainsi que l’amour, aussi bien familial, fraternel, l’amitié, que l’amour avec un grand A, peuvent être considérés comme le cœur de l’œuvre. Les thèmes de l’amitié et de la famille (biologique comme celle que l’on se crée) sont également très présents. Apparaissent ensuite des thèmes plus matures, comme le deuil, le harcèlement, la maltraitance physique et psychologique et les traumatismes qui en découlent, le repliement sur soi-même, la haine de soi, la violence, le suicide, etc.

On pourrait résumer Fruits Basket comme l’histoire d’un groupe de personnages apprenant à grandir, à se trouver et à soigner leurs blessures profondes grâce aux liens qui se créent entre eux. C’est ce dernier point que je pense être la grande force de ce manga : les personnages et les belles relations qu’ils et elles tissent au fil des tomes, nourrissant leur développement. Le sens du titre, dévoilé dans le premier tome, lié à Tohru, le personnage principal, résonne plus généralement pour tous les personnages, qui ont du mal à trouver leur place dans la société.

Pour parler du dessin, élément de toute évidence central au médium manga, celui-ci a la particularité de voir la mangaka Natsuki Takaya changer drastiquement de style, du à des problèmes de santé et une opération de sa main directrice. Cela donne l’impression de voir grandir son dessin en même temps que les personnages (ce qui fait sens, l’histoire ayant lieu tout au long des années lycée des personnages principaux). Que l’on préfère le style des premiers ou des derniers tomes relèvera probablement du goût personnel de chacun. Pour ma part, je trouve que son premier style faisait trop shojo « classique », et préfère son nouveau style, particulièrement reconnaissable, ce qui est très plaisant à mon goût. Voici quelques images pour montrer la différence :

Concentrons-nous enfin sur ce point si important de Fruits Basket que sont ses personnages :

Entre la protagoniste, tous les membres de la famille Soma, les camarades du lycée et tous les autres, de nombreux personnages sont présents dans ce manga, chacun avec son caractère propre, son excentricité et son passé, qui les rendent, pour la plupart, très attachants, au point de nous faire dire « je veux être leur ami.e ». Choisir un ou une favorite n’est pas des plus simples. Même certains personnages d’ « arrière-plan », qui n’ont que quelques apparitions, peuvent avoir leur moment de gloire, et donneraient bien envie de les retrouver dans un spin-off.

Tohru Honda, notre protagoniste, peut apparaître aux premiers abords comme une fille naïve et sans intérêt, suivant tous les stéréotypes usés et sexistes de l’héroïne de shojo, gentille et passive, bonne pour les tâches ménagères. Grâce à sa bonté et son amour inconditionnel pour les autres, elle réussit à toucher tout le monde, même les plus récalcitrants. Une protagoniste sans grand intérêt pourrait-on dire ? C’est oublier qu’elle porte un masque de bonne humeur et cherche à refouler ses propres problèmes en faisant comme si tout allait bien. Mais même si son personnage suit un développement « statique » et qu’elle reste globalement la même tout du long, son conflit interne se dévoile peu à peu au cours du récit. En effet, si elle est le principal élément perturbateur dans la vie des Soma, qui viendra aider, voire sauver la plupart des personnages majeurs du manga, elle aussi aura besoin de soutien pour avancer. Le trio principal qu’elle forme avec Yuki et Kyo, ainsi que son amitié avec Arisa et Hana montrent de très belles relations, dont l’œuvre regorge.

Yuki et Kyo sont le duo protagoniste masculin que tout oppose et qui se détestent comme la souris et le chat qu’ils sont, et davantage. L’un est calme et est considéré comme le « prince du lycée », tandis que l’autre est colérique et bagarreur, mais tous deux s’avèrent plus complexes que les apparences ne le font croire et ils évoluent tout au long du manga. Yuki nous dévoilera ses insécurités avant d’y faire face, et Kyo montrera un caractère plus calme et s’ouvrira aux autres. Deux personnages opposés et connectés, entre autres par Tohru, à la fois totalement différents et similaires de certaines façons. En apprendre plus sur eux, les voir interagir et développer des relations avec d’autres personnages, et grandir au fil des tomes est des plus plaisant.

En dehors du trio principal, nombre de personnages secondaires ne sont pas moins marquants et font tout le sel du manga. Que ce soit l’ancienne délinquante Arisa, Saki et ses pouvoirs d’ « ondes », Shigure aux motivations douteuse, le mystérieux antagoniste Akito, le jovial et enfantin mais des plus matures Momiji, l’extravagance incarnée qu’est Ayame, et bien d’autres encore, tous sont très attachants ou au minimum intrigants, et plaisants à suivre. On pourra regretter que certains personnages n’aient pas eu autant l’occasion d’apparaître et d’être développés que d’autres, mais avec un tel nombre de personnages, on ne peut pas tout avoir.

En conclusion, Fruits Basket est un manga culte qui saura toucher au-delà de son public de prédilection. Entre des personnages attachants et un mélange de comédie et de drame bien dosé, ce manga donne de belles leçons de vie, mettant en avant la force de la bonté et de la sensibilité, et l’importance des relations humaines. C’est un récit profondément optimiste et joyeux malgré la dureté de certains moments, encourageant à garder le sourire et l’espoir face aux difficultés de la vie.

« Il y a tout un tas de sentiments qu’on n’éprouve qu’au moment où l’on est tombé au plus bas. On s’oppose souvent à des choses bonnes pour nous… Mais quand tout ce qui nous entoure devient sombre, alors, à ce moment-là, on commence à avoir réellement envie de ces choses. Pour apaiser notre douleur, il faut de la gentillesse. Pour que l’on sache que les ténèbres existent, il faut du soleil. Il ne faut négliger ni l’un ni l’autre, tout est précieux dans la vie. Il ne faut rien rejeter. Même si tu te trompes de nombreuses fois, rien n’est jamais perdu, tant que tu as décidé de te servir de tes échecs pour continuer à avancer. »

Kyoko Honda, chapitre 41

Je parlerai éventuellement des adaptations en animé de Fruits Basket dans un autre article, un jour…

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